Illettré de Cécile Ladjali

Illettré raconte l’histoire de Léo, un jeune homme de vingt ans qui habite dans une cité de la région parisienne et pointe chaque matin à l’usine. L’illettrisme dont il souffre le hante, gâche sa vie et ses relations avec les autres. Comme une maladie honteuse, ce handicap transpire par les pores de sa peau et l’empêche même d’aimer sa jolie voisine Sibylle. Tout au long du récit, on suit l’itinéraire de ce jeune homme perdu qui tente chaque jour de dissimuler ou de s’accommoder de ne pas savoir lire et écrire : impossible de comprendre les itinéraires du métro, les pancartes de danger, les bulletins de vote lors des élections … Abandonné par ses parents à la naissance, privé du langage qui est la charnière d’une vie, il reste persuadé qu’il est incapable d’aimer. Et au fil des chapitres, on suit Léo vers un destin tragique et implacable.
Les mots de Cécile Ladjali sont ceux de Léo, ceux qu’il ne peut dire, écrire, lire. Ce récit poignant est porté par une écriture poétique, maîtrisée et sensible. L’auteur sait disséquer les errements, les pensées d’un homme en proie à une détresse profonde. Les phrases que l’on lit sont les pulsations du cœur du héros et aussi nos propres pulsations de lecteur.
Ce livre aborde l’illettrisme, ce mal qui touche une frange de la population le plus souvent silencieuse. Dans notre société envahie par les écrans, beaucoup d’enfants, de jeunes, éprouvent une réticence envers la lecture, activité obsolète, pour peu, d’un autre temps. Pourtant même, l’image nécessite un décryptage, une lecture a posteriori pour comprendre le monde dans lequel on vit.
Lire nous entraîne dans l’imaginaire et nous permet d’appréhender aussi la réalité. Le destin de Léo montre bien que les mots sont la clé pour ouvrir les portes de la vie, ces mots qui disent les pensées les plus brouillonnes, les sentiments les plus profonds, qui évitent de sombrer dans la violence envers soi-même et les autres, qui permettent de tracer son chemin, son histoire.
Pour terminer, je laisse à l’auteur les dernières lignes que vous avez la chance de pouvoir lire :
« Avec les mots, il serait le maître de son destin, il pourrait aimer. Les livres sont l’examen de la vie. Un miroir où l’on se voit, par lequel on se connaît, où l’on apprend à nommer et cesse de subir. »

Illettré de Cécile Ladjali aux Éditions Actes Sud

 

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